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      Homélie du 27 août 2023 : Saga 2 de l’homme de Pierre : Du caillou à la (…)

Homélie du 27 août 2023 : Saga 2 de l’homme de Pierre : Du caillou à la pierre d’achoppement !

Continuons notre saga de l’Homme de Pierre, interrompu par la femme du 15 août et la femme cananéenne du 20 août !
Des trois épisodes propres à Matthieu sur le personnage de Pierre, c’est aujourd’hui le plus important, le plus central et le plus prestigieux, à condition de prendre le texte de cette confession de foi à Césarée de Philippe en son entier qui est un double dialogue entre Pierre et Jésus.


Comme Pierre, savons-nous confesser notre foi au point de dire que Jésus est celui qui rend Dieu vivant dans notre existence ?
S’ouvre alors un échange inédit et unique entre Pierre et Jésus qui lui répond en trois affirmations.

La première dit la gratuité de cette révélation qui vient du Père et non des mérites de Pierre. C’est un don du Père que de reconnaître la divinité de Jésus et non le résultat de nos facultés intellectuelles.

La deuxième établit Pierre comme le père d’un nouveau peuple et comme « pierre de fondation de l’Eglise ». Commentant Nb 23,9 et Is 51,1, un commentaire juif disait déjà : « Dieu chercha à créer le monde et lorsqu’il regarda vers Abraham, il dit : Voyez, j’ai trouvé une pierre sur laquelle je bâtirai le monde et il appela Abraham « Rocher » ! S’adressant à la communauté juive, Matthieu veut montrer que sur Pierre, Jésus se construit une nouvelle maison, un nouveau peuple, un nouveau Temple contre lequel les puissances de la mort ne pourront rien.

Faisons remarquer aussi le jeu de mot presque intraduisible en français car Matthieu utilise deux mots différents (1) pour la fameuse phrase : « Tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». En grec « petros » désigne le petit caillou, le gravier tandis que l’autre mot « petra » désigne la montagne indestructible et invulnérable comme la Pétra nabatéenne en Jordanie. Nous devrions traduire, quitte à renoncer au jeu de mot : « Tu es un caillou insignifiant (petros), mais sur le roc (petra) qu’est Dieu je construirai ma demeure en mon peuple » ! ou dit autrement : « Fragile pierre que tu es, je construirai ma maison dans la mesure où ta foi s’appuie solidement sur le Roc de Dieu » ! Matthieu veut insister sur la petitesse du disciple, sur la pierre fragile qu’il est, simple caillou qui, malgré sa faiblesse mais avec l’aide de Dieu son Rocher, contribuera à la construction de la demeure de Dieu.

La troisième affirmation donne à Pierre le pouvoir des « clefs du Royaume de Dieu », le pouvoir de lier et de délier. Ces deux verbes font partie du vocabulaire des rabbis ; ils désignent l’autorité théologique de décider ce qui est ou non conforme à la Loi de Moïse. Il ne s’agit pas d’un pouvoir disciplinaire mais doctrinal, celui d’interpréter les paroles de Jésus. Par ces paroles, Jésus fait de Simon-Pierre le garant de la tradition de l’enseignement de Jésus. Pierre est fondement de l’Eglise en ce qu’il représente l’indéfectible enracinement de la foi dans l’enseignement de Jésus. Mais attention ici, le texte n’institue aucun principe d’une succession de Pierre. Il indique simplement que Pierre reçoit cette mission comme pierre vivante. La première lettre de Pierre précisera que ce seront tous les chrétiens qui deviendront « Pierres vivantes pour construire la maison habitée par l’Esprit » 1 P 2,4-5 ! (2)

Notre vie, comme Simon-Pierre et comme toutes les pierres vivantes de l’Eglise, est-elle irriguée, habitée, traversée par la Parole vivante de Jésus ?
Sommes-nous les artisans de la construction de notre Eglise comme une maison spirituelle, solide et forte de prophètes, prêtres et serviteurs ?

Après cette béatitude prestigieuse donnée à Pierre, après cette reconnaissance de son rôle de garant d’une tradition d’enseignement, Jésus se doit de l’interrompre pour bien préciser ce qu’il entend par le mot « Christ », car il n’y a pas d’autre Messie qu’humilié et crucifié (Mt 16,20-21).
C’est alors que Pierre, encore une fois, va s’effondrer, se fissurer car cette annonce ébranle sa compréhension du Messie attendu. Elle frappe au cœur de ses convictions. Pierre reste solidaire d’un monde de représentations qui voilent la réalité d’un Christ souffrant. Il ne veut pas intégrer l’annonce de la passion. Cette idée d’un Messie crucifié lui est insupportable. Le Messie doit irradier de la toute-puissance divine. Alors il s’oppose à Jésus de toute sa force minérale : « Pierre, tirant Jésus à part, se mit à lui faire de vifs reproches : Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas » (Mt 16,22).
La réponse de Jésus sera cinglante : « Retire-toi ! Derrière-moi, Satan ! tu es pour moi une pierre d’achoppement car tes vues ne sont pas celles de Dieu mais des hommes » (Mt 16,23).
Il n’a pas fallu longtemps pour que la « pierre de fondation devienne la pierre d’achoppement » ! Et ce ne sera pas la dernière fois ! Au mont des Oliviers, Pierre, de nouveau, s’opposera à Jésus qui annonce la dispersion du troupeau et lui dira : « Même si tous deviendront des pierres d’achoppement à cause de toi, MOI, jamais je ne deviendrai une pierre d’achoppement » (Mt 26,33). Et le temps d’une nuit, il reniera « devant TOUS » par trois fois son maître (26,69). Et il disparaît nommément du récit de l’Evangile de Matthieu !
Et non seulement la pierre fondatrice est devenue pierre d’achoppement, mais, qui plus est, l’homme divinement inspiré quelques instants plus tôt est à présent taxé de suppôt de Satan !
L’ambivalence du personnage de Pierre est de nouveau mise en évidence comme dans l’épisode de la marche sur les eaux : il passe, en un instant, du rôle de confesseur de la foi messianique et divine de Jésus à celui du Tentateur, qui semble suggérer à Jésus une alternative aux souffrances que ce dernier vient d’annoncer. A l’instar du Diable lors de la 3ème tentation (Mt 4,10), Pierre veut offrir un avenir glorieux à Jésus et refuse d’admettre que le sort de son maître soit la souffrance et la mort plutôt que la gloire. A ce diable tentateur, Jésus avait déjà répondu dans les mêmes termes qu’à Pierre : « Retire-toi, Satan » !

Belle leçon pour l’Eglise, ses institutions et les « pierres vivantes que nous sommes ! »

(1) 3 mots en grec pour pierre : « petros » : caillou, gravier : « petra » : montagne, rocher ; et « lithos » : pierre de fondation, pierre précieuse, pierre de taille
Pierre n’est qu’un petit caillou !
Dieu est le rocher de l’Eglise !
Jésus est la « pierre d’angle » Mt 21,42
« Le terme « petra » tellement lié à la figure de Dieu, forteresse d’Israël, peut-il avec vraisemblance désigner l’apôtre Pierre » s’interroge l’auteur du livre Jésus selon Matthieu Par Colette et jean-Paul Deremble

(Les références à Dieu comme ROCHER sont nombreuses :
2 Sam 22,2 « Seigneur, mon Rocher, (petra) ma forteresse, mon libérateur »
Ps 18,3 « Le Seigneur est mon Rocher, ma forteresse, mon libérateur »
Is 30,29 « Le Rocher d’Israël c’est le Seigneur »

(2) « Les interprétations protestante et catholique ne différent plus sur le sens des paroles instituant Pierre en garant de la tradition de Jésus, mais différent sur leur extension. La lecture catholique estime que ce statut rejaillit sur les successeurs de Pierre, tandis que la lecture protestante relève que les Evangiles n’instituent aucun principe successoral, et que chaque pierre vivante de l’Eglise hérite du rôle attribué au disciple Pierre » Daniel Marguerat

A remarquez aussi que, au fur et à mesure qu’on avance dans l’Evangile de Matthieu ce rôle de Pierre comme pierre de fondation se trouve dissout dans la fonction de tous les disciples en Mt 18,18 en utilisant la même formule qu’en 16,19
« Tout ce que VOUS lierez sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que VOUS délierez sur la terre sera délié au ciel » !!!
C’est désormais clair : les garants de la tradition de Jésus sont désormais TOUS LES DISCIPLES, TOUTES LES PIERRES VIVANTES de l’EGLISE.
Et le rôle de l’homme Pierre va se dissoudre totalement jusqu’à disparaître de l’Evangile à partir de Mt 26,75. Il n’est plus nommé une seule fois ! Contrairement aux trois autres Evangiles, Matthieu ne le nommera pas parmi les témoins de la résurrection. En 28,16-20, « devant le Ressuscité, les premières pierres suivantes ont pris la place de Pierre devenu bon dernier » ! Céline Rohmer. Et c’est aux ONZE (dont Pierre sans le nommer) qu’est dévolu la mission « d’apprendre à garder tout ce que Jésus leur a prescrit » !!!28,20
C’est encore clair par cet envoi en mission : TOUS LES DISCIPLES sont institués garants de l’enseignement de Jésus !!!

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