homélie du Dimanche 14 septembre 2025

 

La Croix glorieuse

La croix signifie d’abord le triomphe du mal absolu, l’inacceptable, le scandale de la mort de l’innocent. Certes nous avons tenté, depuis des siècles, de banaliser et comme d’apprivoiser la croix. Nous en avons fait une belle image et parfois, hélas, un simple motif de décoration, un bijou précieux ou un objet usuel.

Mais comment regarder la Croix en face ? alors qu’elle est le lieu de l’injustice et le signe de l’infamie. Irions-nous jusqu’à dire la guillotine glorieuse ou la chaise électrique glorieuse ?…

S’il y eut un supplice non seulement humiliant, mais déshonorant, avilissant dans l’histoire de l’humanité, c’est bien le supplice de la croix. Chez les Romains il était réservé aux esclaves, aux étrangers, aux barbares. Saint Paul en tant que citoyen romain en fut épargné et subit la décapitation.

Déjà au livre des Nombres, qu’on nous a lu tout à l’heure dans le récit obscur et déconcertant du serpent de bronze, se fait entendre la recommandation que Dieu adresse à Moïse pour son peuple : « Qu’ils le regardent ! » – « fais-toi un serpent, dresse-le au sommet d’un mât : Tous ceux qui auront été mordus, qu’ils le regardent… » (Nb 21,8) Jésus lui-même, dans le passage de l’Evangile que nous venons d’entendre, reprend cette antique figure : « Comme le serpent fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé… » (Jean 3, 14).

Pourtant la croix est devenue à jamais cet objet de honte, elle fait peur, elle provoque horreur et répulsion. J’entends encore cette catéchiste me disant un jour ; « parler de Jésus aux enfants, de l’Evangile et de la Résurrection, ce n’est pas trop difficile. Mais comment leur parler de la passion et de la mort de Jésus ? » Nous savons bien pourtant que sans la Croix, Jésus ne serait guère plus qu’un prophète de l’humanitaire, que l’Evangile sans le sceau du calvaire ne serait qu’un message généreux mais sans force et que la résurrection elle-même, si elle n’est pas le surgissement du crucifié ayant traversé la passion et la mort, ne serait qu’une illusion sans consistance et sans lendemain.

Tout cela, nous le savons nous aussi. Mais qui d’entre nous oserait dire qu’i1 est là-dessus très à l’aise et sans question. Nous résistons à la Croix et le monde autour de nous propose d’autres cultes et d’autres modèles.

Notre résistance d’ailleurs n’est pas sans raisons. Au scandale de la Croix du Christ, lui le juste et le bien-aimé victime de la méchanceté des hommes, s’ajoutent nos épreuves incompréhensibles et insupportables, et tout le poids d’injustice et de misère qui accable l’humanité. C’est dans ce malheur que le Fils de Dieu a voulu plonger, c’est toute cette peine des hommes qu’il a partagée, le cri des malades, la tristesse des prisonniers, la souffrance des ruptures et des abandons, la détresse de ceux qui sont mis à l’écart et qui se croient inutiles. Jésus est au milieu de tous ceux que les luttes de la vie ont blessés. La Croix du Christ, c’est la passion de Jésus alourdie de tout le malheur du monde.