homélie du dimanche 21 sept 25
La parabole que nous venons d’entendre n’est pas « morale », c’est le moins qu’on puisse dire ! Ce gérant malhonnête, et trompeur même, ainsi qu’il est qualifié dans le texte de l’évangile, n’est pas un modèle de probité ! On en a vu plus d’un finir en prison pour des fausses factures de ce genre !
Mais il s’agit d’une une parabole. Et il ne faut pas demander à une parabole de faire la morale ! Elle est là comme une caricature, pour forcer le trait et nous faire voir les choses autrement. Ne demandez pas à l’Évangile de faire la morale ! Pour la morale, il y a la loi ! L’Évangile lui, est pour la foi ! Alors, à travers cette parabole du gérant trompeur, qu’est-ce que l’évangéliste Luc veut nous faire comprendre de la Foi ?
Il me semble que l’essentiel tient en une question : « Que reste-t-il quand on a tout perdu ? »…
Aujourd’hui, la publicité sous toutes ses formes, y compris par l’intermédiaire des influenceurs sur les réseaux sociaux, ne conjugue que deux verbes :
1/ d’abord, le verbe avoir : avoir de l’argent, avoir des relations, avoir du pouvoir, avoir un ou une partenaire, avoir une vie qui coche toutes les cases du bonheur…
2/ et puis le verbe paraître… : Paraître le plus beau, le plus fort, le plus riche… ah, la fameuse image ! Rien de plus important ! Les vedettes en tous genres, les politiciens, les entreprises… tout le monde soigne son image… La réalité qui se cache derrière cette image peut être à mille lieues de ce qu’on veut faire croire, elle peut même être sordide, peu importe. Tout à rebours de la véritable authenticité, ce mot si galvaudé aujourd’hui : car la véritable authenticité, ce serait justement la correspondance entre l’image et l’être.
Et justement, la foi, elle, n’a qu’un seul verbe à conjuguer : le verbe être !
Jésus nous dit d’abord que la foi, ce n’est pas comme l’argent. Ce n’est pas quelque chose qu’on possède, qu’on a ou qu’on a pas, que l’on gagne ou que l’on perd.
On peut même prétendre avoir la foi, et être à 100.000 km de l’Évangile ! Coire, c’est être, c’est exister, c’est vivre ! Mais Jésus nous avertit aussi : on peut croire qu’on vit, mais en réalité être des morts-vivants, des squelettes en costume-cravate !
Et Jésus nous dit ensuite que ce que nous avons, ce que nous possédons, doit nous servir à être. Même si nous avons peu. Et l’Évangile ne cesse de nous seriner, qu’être, cela passe par des relations authentiques, et désintéressées. Pas seulement avec ceux ou celles qui me ressemblent, qui sont du même petit monde que moi, qui peuvent me rendre les invitations ou les faveurs… car si l’on y regarde bien, ce genre de relation est rarement désintéressé.
Venons-en maintenant à l’exhortation qui conclut cette parabole…
Certes, la société que Jésus connaissait était très différente de la nôtre. Seules les puissantes familles de Jérusalem et les grands propriétaires terriens de Tibériade pouvaient accumuler des pièces d’or et d’argent. Les paysans pouvaient juste se procurer quelques pièces de bronze ou de cuivre, de peu de valeur. Beaucoup vivaient sans argent, échangeant des produits dans un régime de pure subsistance.
Aujourd’hui, dans notre société, le statut de l’argent a beaucoup changé. Il est un moyen d’échange, universel. Et pourtant, de manière évidente, certains dans notre monde, en disposent à volonté, et l’amassent dans des proportions colossales, tandis que d’autres doivent se contenter d’un petit minimum, qui leur permet tout juste de survivre. Et l’on ne peut ignorer que depuis quelques années, tandis que la fortune des plus riches s’accroît de manière exponentielle, la pauvreté s’accroît en sens inverse de manière massive, et qu’une bonne partie des classes sociales qu’on disait autrefois « moyennes », s’appauvrit.
Jésus appelle l’argent « Mammon », comme s’il s’agissait d’un être vivant. Les commentateurs s’accordent pour la plupart à dire que la racine de ce mot est le mot hébreu AMAN, qui signifie appui, solidité, sécurité ; on retrouve cette racine dans AMEN, ainsi que dans le verbe CROIRE (en hébreu). Ce nom donné à l’argent nous conduit donc à nous demander : qui, de Dieu ou de Mammon, est digne de confiance, celui sur qui on peut s’appuyer, le bien véritable ? Disons-nous AMEN à l’argent, ou au Christ ?
Le pape Benoît XVI rappelait que la richesse est souvent l’idole à laquelle on sacrifie toute chose, c’est-à-dire qu’elle devient le véritable dieu de cette personne.
Mammon, comme Dieu, requiert l’engagement de tout l’être, mais ces deux engagements nous tirent dans des directions opposées : car Mammon, c’est le règne du calcul, la logique du profit posé comme critère ultime de toute action. Dieu, à l’inverse, c’est le règne de la grâce, c’est-à-dire de ce qui est « gracieux », hors du marché, ou « par-dessus le marché » : la gratuité, et la solidarité ; autrement dit, la logique du Royaume.
L’évangile nous interpelle. Certes, il ne fait pas de morale, mais pour autant, il nous pose une question éthique radicale : quel est la logique ultime de nos vies ? Dieu ou Mammon ?…