homélie de la Sainte famille 28/29 décembre ( Patrick Simonnin)

Sainte Famille (28-29/12/2024)

La fête de la Sainte Famille que nous célébrons en ce jour, est la fête de toutes les familles du monde ayant pour modèle la famille de Jésus, pouvons-nous lire dans certains manuels de liturgie. S’il en est ainsi, permettez-moi alors de m’interroger et de me demander pourquoi tant de parents vivent des difficultés lorsque leurs enfants n’épousent pas le modèle familial de notre société d’aujourd’hui si la sainte famille est vraiment ce qu’il y a lieu de suivre.

Sans pour autant être irrespectueux, il nous faut bien reconnaître que le modèle de famille qui nous est proposé dans la Sainte Famille est quelque peu déroutant… en effet, cette famille est composée d’une mère étant tombée enceinte avant son mariage officiel, d’un père n’étant pas le père biologique de l’enfant mais assumant sa paternité avec force, d’un enfant unique qui ne reprendra pas les affaires familiales (Joseph était charpentier) et dont les parents mettront une journée à se rendre compte que leur fils n’est pas avec eux lors d’un voyage à Jérusalem alors qu’il a à peine douze ans !

On ne peut donc pas prendre à la lettre ce modèle de famille… C’est la raison pour laquelle je ne souhaite plus m’attarder sur cette fête comme telle mais profiter de celle-ci pour méditer sur la famille telle que nous la connaissons.

Aujourd’hui, il y a différents types de famille et n’étant pas sociologue, je ne vais pas commencer à vous les énumérer. La substance traditionnelle de la famille, même si elle reste le modèle majoritaire dans notre société puisque tout couple qui se marie souhaite le réaliser, se réfracte cependant en une nébuleuse que nous avons de plus en plus de peine à appréhender.

C’est pourquoi, je voudrais simplement souligner que nos familles, quelles qu’elles soient d’ailleurs, à l’image de celle du Christ, sont le lieu par excellence de notre enracinement dans la vie. C’est le premier endroit de notre socialisation, c’est-à-dire de notre manière de nous insérer dans un groupe humain. Nous y découvrons des valeurs, des codes de conduite, parfois aussi des contradictions.

C’est en elles que nous faisons également l’expérience de nos premières frustrations de désirs non assouvis. Mais par-dessus tout, les familles sont le lieu où se construit chaque être humain par les mots de tendresse et de douceur. La famille est le lieu par excellence d’apprentissage de l’amour. Et quand celui-ci fait défaut, ou qu’il est perverti jusqu’à la racine, comme on le voit parfois, hélas, ceux et celles qui ont vécu leurs premières années dans cette ambiance en restent marqués pour longtemps, parfois même à vie !

Et cette expérience primordiale, lorsqu’elle a été saine, est sans doute l’une des raisons principales qui fait que nous nous tournons vers nos familles, lorsque nous traversons des moments plus difficiles. L’amour familial qui a son propre nom dans la langue grecque est un amour difficile à cerner, à préciser les contours. C’est l’amour marqué par les liens de sang, l’amour d’une histoire commune partagée dans la quotidienneté pendant de nombreuses années pour la plupart d’entre nous. C’est l’amour de parents qui se mettent à rêver des projets pour les enfants. C’est l’amour déçu face aux deuils de l’impossibilité d’enfantement et tout le chemin intérieur d’arriver à vivre sa fécondité autrement.

C’est l’amour du sentiment d’appartenance et d’enracinement dans l’histoire d’une famille, sa famille. C’est l’amour qui trop souvent se transforme en haine lorsqu’il y a des questions d’argent. Quoiqu’il en soit c’est un amour auquel aucun d’entre nous ne reste indifférent. Il nous marque, nous façonne, nous modèle. Chaque famille a son histoire. Chaque famille est une histoire.

Dans nos relations familiales d’abord, mais également dans toute relation, nous sommes conviés par saint Paul à revêtir nos cœurs de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience.

Cela paraît tellement évident et pourtant si difficile chaque jour. C’est cela agir au nom du Seigneur Jésus Christ, c’est-à-dire à sa manière et selon son esprit. De la sorte, nos relations s’en trouveront renforcées, enrichies, dépassées, voire même réconciliées. Avec autant d’amour, nous permettons à chacune et chacun d’exister.

Et pourtant, pourtant, Dieu ne semble pas se contenter de cela. Par le baptême, nous sommes entrés dans une autre famille, toute aussi importante : celles des croyantes et croyants, des étonnés de la vie. Dans cette famille-ci, celle que nous composons en ce moment précis, nous sommes conviés à nous tourner vers Joseph. Joseph est silencieux, discret. Il laisse place aux autres tout en ne se niant pas lui-même. Il est également disponible et surtout, accueillant à la volonté de Dieu. Peut-être alors, pourrions-nous mettre un peu plus d’amour dans nos relations ecclésiales, c’est-à-dire entre nous dans cette église. Aux yeux de Dieu, nous ne sommes pas des étrangers les uns pour les autres. Nous sommes ses enfants appartenant à une même famille, sa famille. Adoptés par Dieu de la sorte, puissions-nous à l’image de Joseph, dans notre silence intérieur et en toute discrétion, nous ouvrir et accueillir la volonté de Dieu pour mieux entendre l’ange du Seigneur, nous dire : “Lève-toi !”.

Amen.